De la Marche verte à la lettre Sánchez, 46 ans de conflit au Sahara

Tournure historique sur le Shara

Le Maroc a pris le contrôle de facto face aux plans de l’ONU et à l’inaction de l’Espagne

Des manifestants marocains
Des manifestants marocains lors de la Marche verte portant des copies du Coran, le 6 novembre 1975.EPE

Les conflits de toute colonisation commencent dès le moment de la première occupation. Mais dans le cas du Sahara occidental, s’il y a un moment de tension manifeste entre le Maroc et Espagne C’est celui qui s’est produit il y a 46 ans, avec un dictateur espagnol mourant et un roi marocain qui a détecté une opportunité unique de remplacer l’Espagne dans le contrôle d’un vaste territoire, désert mais avec des minéraux abondants et une riche zone de pêche.

LA MARCHE VERTE

Le 16 octobre 1975, le Tribunal international de La Haye émet un avis dans lequel aucun type de lien souverain n’est reconnu entre le Maroc ou Mauritanie et le Sahara occidental. Il nie également qu’il puisse être considéré comme un no man’s land. C’est un coup dur pour le Maroc, qui deux semaines plus tard réagit en lançant ce qu’on appellera la Marche verte. Le roi Hassan II organise un mouvement massif de citoyens qui grandit au fil des jours et éclot le 6 novembre, avec 350 000 personnes portant son image et le Maïs Ils atteignent les positions des troupes espagnoles.

La manœuvre du monarque Alaou comptait profiter de l’extrême faiblesse du régime franquiste. Franco lui-même était en train de mourir. Les troupes espagnoles évitent le conflit et se retirent, tandis que la population sahraouie s’installe dans des camps en Tindouf (Algérie). En quittant l’Espagne, une formalité légale est donnée : le 14 novembre, le Accord de Madrid entre l’Espagne (qui s’est engagée à décoloniser le Sahara), le Maroc et la Mauritanie. le Front Polisario est exclu.

L’ESPAGNE VA

En février 1976, l’Espagne cède la Shara au Maroc et à la Mauritanie et retire ses derniers soldats. Il proclame également la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et le Front Polisario déclarent la guerre à la Mauritanie et au Maroc. Le Maroc et la Mauritanie se partagent la Shara : les deux tiers pour le premier et le reste pour le second. Les réfugiés sahraouis s’installent dans des camps dans la région désertique algérienne de Tindouf. L’activité de guérilla du Polisario finit par expulser la Mauritanie en 1979.

UNE MISSION DE L’ONU

Le conflit entre le Polisario et le Maroc se poursuit au fil des années. En 1988, Rabat et les dirigeants sahraouis donnent leur aval à un plan de paix élaboré par l’ONU et le Organisation pour l’Union Africaine (OUA) qui prévoit le cessez-le-feu et le contrôle du territoire par la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui préparera la célébration du référendum. En septembre de cette année-là, le Assemblée générale L’ONU approuve le plan de paix. Le 6 septembre 1991 est fixé comme date pour le cessez-le-feu et le 26 janvier 1992 pour le référendum. Les deux sont acceptés par les deux parties, mais le référendum n’a jamais lieu.

Juan Carlos I, reçu par le roi Hassan II.
Juan Carlos I, reçu par le roi Hassan II.Reuters

PLAN DE BOULANGER

En 1997, l’ONU a nommé le prestigieux Jacques Baker représentant spécial pour le Sahara occidental dans le but de relancer le processus du référendum d’autodétermination. Le référendum est prévu pour le 7 décembre 1998. Le Maroc soulève de nombreuses objections au plan et finalement, Mohamed VI déjà sur le trône, l’ONU abandonne la tentative de référendum. Comme en d’autres occasions, établir un recensement des votes accepté par les deux partis est impossible.

Baker essaie à nouveau et propose un plan qui accorde une certaine autonomie à la région mais sous souveraineté marocaine. Le Polisario et l’Algérie rejettent le plan. Les tentatives se poursuivent. En 2003, le nouveau plan Baker est arrivé. Ce plan prévoit que le territoire sahraoui devienne une région autonome marocaine pour au moins les quatre prochaines années, en organisant des élections régionales au début de cette période. Passé ce délai, il y aura un référendum d’autodétermination, vers l’année 2007 ou 2008, au cours duquel les Sahraouis pourront décider de leur avenir. Le Polisario a fini par accepter le plan, mais pas le Maroc.

La réalité actuelle est que, compte tenu de l’inactivité diplomatique de l’Espagne ces dernières années, une partie du Sahara occidental est contrôlée par le gouvernement marocain, qui appelle le territoire Provinces du Sud. Environ un cinquième de celui-ci est toujours contrôlé par la République arabe démocratique sahraouie, qui a décidé en 2020 de réactiver un conflit longtemps gelé.

LA CRISE GHALI

En 2021, l’Espagne décide d’accéder à la demande de l’Algérie de soigner le chef du front Polisario, Ibrahim Ghali, gravement malade du coronavirus, dans un hôpital. Il le fait furtivement, mais les services marocains détectent ce qui s’est passé et Rabat le présente comme le plus grand des affronts. Il retire son ambassadeur et finit par ouvrir les portes de la frontière de Ceuta. Un flot de milliers de personnes génère une crise migratoire sans précédent entre les deux pays. Espagne pour le coup de main du Union européenne, particulièrement sensible en matière de réfugiés. Les États-Unis, qui s’étaient alignés sur l’Espagne dans la crise de l’enclos de Perejil, gardent cependant leurs distances, laissant entendre que le Maroc est un partenaire privilégié dans la zone. Rabat entretient des relations tendues avec l’Espagne. Il ne remplace pas l’ambassadeur et n’ouvre pas non plus ses ports à l’Espagne.