Les juristes, face à la montée des meurtres sexistes : « Il y a un discours banalisant qui intériorise une partie de la société »

Les quatre meurtres en une semaine remontent au tournant du siècle. Des experts alertent sur la naturalisation de ce fléau

Commissariat de police de la maison de Saragosse où une femme a été assassinée.
Commissariat de police de la maison de Saragosse où une femme a été assassinée.EPE
  • Société Quatre assassinés en huit jours : Egalité appelle les communautés autonomes à répondre au « rebond » des victimes

La semaine noire de la violence sexiste – avec le chiffre dramatique de quatre meurtres et de deux femmes très graves en huit jours (une légère hausse qui ne s’était pas produite depuis des années) – a fait revivre aux agents qui la combattent des temps de plus grande cruauté. Juges, procureurs mais aussi politiques ont réagi avec inquiétude aux chiffres choquants des huit derniers jours et à ceux du mois de mai dans son ensemble, qui se clôture avec six femmes assassinées sur les 18 recensées en 2022.

L’inquiétude est telle que Ministère de l’égalité a convoqué mardi prochain la réunion du groupe de travail du pacte d’État pour rechercher une réponse coordonnée entre le gouvernement et les communautés autonomes.

L’explosion des violences basées sur le genre a commencé avec le meurtre de Florina, 26 ans, à Montemayor (Crdoba) le 22 mai. Sept jours plus tard, l’ex-partenaire de Luisa (48 ans) l’a tuée dans le restaurant de Tomelloso (Ciudad Real) où elle travaillait. Le même jour, à Benajarafe (Mlaga), un homme aux antécédents de violences basées sur le genre s’est retrouvé avec son ex-petite amie de 50 ans. Maite, 51 ans, a été assassinée par son mari à Tjola, Almería, vendredi.

La liste a été close par Alejandra, 44 ans, qui a reçu une raclée monumentale par son compagnon au casier judiciaire à Carballo (A Corua) tôt dimanche et une autre femme, 46 ans, également gravement malade à Malaga, agressée par son petit ami. Ces chiffres, raisonnent les experts consultés par ce journal, remontent à des années avant même ou immédiatement après l’approbation de la Loi sur la violence sexiste à partir de 2004.

Que se passe-t-il? Tous les experts s’accordent à dire qu’il y a une sorte d’anesthésie dans la société, que les meurtres sexistes se sont naturalisés et que cela se produit, s’accordent-ils, en raison de l’irruption du déni dans les institutions.

En toile de fond il y a aussi une perpétuelle réflexion : pourquoi ne pas dénoncer ? Trois des quatre femmes assassinées n’étaient pas allées au tribunal. Les données de la dernière macro-enquête du Délégation gouvernementale pour la violence de genre ils concluent que 80% des femmes le taisent.

Image d'archive d'un rallye
Image d’archive d’un rassemblement contre la violence sexiste.EPE

Sans doute y a-t-il moins de reproche social face à un crime sexiste, une sorte de résignation ou d’indifférence provoquée par un certain parti qui nie son existence. La violence de genre est devenue un instrument politique qui a fait perdre le consensus et la priorité. Il y a une partie de la société qui intériorise ce discours banalisant de la Violence de Genre, observe Susana Gisbertprocureur expert en la matière.

Avant, poursuit-il, personne ne montait sur une tribune publique pour dire que ce type de violence n’existait pas ou pour demander l’abrogation d’une loi qui a été adoptée en raison de l’énorme problème qu’est la violence sexiste. Le procureur s’attarde également sur le rôle des médias. Avant, le meurtre d’une femme aux mains de son compagnon ou ex-conjoint occupait les premières pages, maintenant ils le font quand il y a une somme de morts. L’alarme sociale n’est activée que dans ces derniers cas.

Concernant le problème de l’absence de plaintes, Gisbert est franc : il n’est pas signalé. Nous avons stagné. Et il insiste : En diminuant le reproche social, les victimes ne font pas confiance au système. Les discours négationnistes ne nous aident pas. On sent cette façon de décaféiner les violences sexistes dans les tribunaux, prévient l’un des magistrats consultés.

Monsieur le Ministre de l’Egalité, Irène Montero, reconnaît que cette escalade provoque colère et douleur et suppose que les institutions ont l’obligation d’arriver à temps pour éviter de nouveaux décès. L’inquiétude est telle que l’analyse de la montée des féminicides deviendra le huitième axe d’étude permanent au sein du Groupe de travail.